MANIFESTATIONS EN RDC : VRAIS MORTS, FAUSSES IMAGES !

À Kinshasa et dans les grandes villes de République Démocratique du Congo (RDC), le soulèvement populaire ayant abouti à la chute de Blaise Comparé le 31 octobre au Burkina Faso hante les esprits. Dans les rangs de l’opposition, l’énergie des manifestants du Pays des hommes intègres galvanise les jeunes descendus dans la rue pour dénoncer un projet de réforme électorale qui pourrait ouvrir la voie à un troisième mandat de Joseph Kabila. Face aux protestations, les articles les plus contestés sont finalement retirés le 24 janvier.

« Il n’y aura pas de Burkina Faso à Kinshasa, arrêtez de rêver. L’opposition n’imposera pas son rythme aux institutions », avertit sur Twitter le président de l’assemblée nationale, Aubin Minaku. Tout en déplorant un « dérapage » des forces de l’ordre qui ont ouvert le feu sur la foule. Entre le 19 et le 22 janvier, le gouvernement comptabilise douze morts contre quarante-deux, selon des ONG.


Au tout début du mouvement de protestation à Kinshasa, des images d’origine douteuse sont postées sur les réseaux sociaux, parfois reprises par certains sites d’information. Des photographies un peu floues que l’on imagine prises sur le vif avec un téléphone mobile pour illustrer un mouvement de révolte en action. Sauf que des images qui se répandent alors sur les réseaux sociaux ne proviennent pas de Kinshasa, Goma ou d’ailleurs en RDC mais de la révolte du Burkina Faso trois mois plus tôt. Une manière d’entretenir la flamme naissante de ce qui est alors un embryon de révolte et de capter l’attention de la presse étrangère. 

Correspondant en RDC du quotidien allemand La Tageszeitung, Dominic Johnson met en garde le 19 janvier sur Twitter : « Arrêtez d’illustrer les nouvelles de Kinshasa avec des photos du Burkina s’il vous plaît. Ça ne sert personne. La situation est assez grave déjà ».

Une technique nuisible

D’Alger à Abidjan en passant par Tripoli ou Bangui, la diffusion d’images manipulées constitue une technique rodée et toujours prisée tant par les gouvernements que par les opposants ou les belligérants.

Après le Burkina Faso, c’est de l’autre côté du fleuve Congo que certains internautes sont allés extraire des images, poignantes, effroyables. Ce même 19 janvier, une vidéo de piètre qualité circule sur les territoires numériques. On y voit des rescapés, s’échappant d’une ruelle envahie par une épaisse fumée noire, on entend des coups de feu puis la caméra d’un prétendu téléphone mobile s’arrête sur un corps gisant au sol, une personne probablement tuée par balles.

Le réalisateur belge, Thierry Michel, auteur de plusieurs documentaires sur la RDC, y voit là un témoignage qu’il fait circuler. La légende qui accompagne cette vidéo « Caméra cachée 19.01.2015 » postée sur YouTube par le compte World News Video précise que ces images ont été tournées « au cœur de la cité populaire de Kinshasa ». Quelques jours plus tard, Thierry Michel alerte : « Il est probable qu’il s’agisse d’une manipulation et que ce soit en fait des images tournées en 2012 lors de l’explosion d’un dépôt de munition au Congo-Brazzaville. Si tel était le cas, je m’en excuse ».

Cette vidéo semble extraite de séquences remontant au 4 mars 2012, au moment où une série d’explosions, dues à un incendie dans un dépôt de munitions, ravagent Mpila, quartier est de Brazzaville. Les manipulateurs d’images et de faits ne sont jamais à cours d’inspiration mais leurs actions peuvent se révéler nuisibles à un mouvement de protestation qui a essuyé des balles bien réelles cette fois.


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