FIDELE BABALA PRÉVOIT LE RETOUR DE BEMBA AVANT LA PRÉSIDENTIELLE DE 2016
La stratégie autour du possible
come back de Jean-Pierre Bemba se met en place au MLC. Fidèle Babala, un proche
du « chairman », prévoit son retour avant la présidentielle de 2016.
2015 sera-t-elle l’année du
retour de Jean-Pierre Bemba en République démocratique du Congo (RDC) ? C’est
ce qu’espère Fidèle Babala, le secrétaire général adjoint du parti. Selon lui,
le dénouement est proche pour le président du Mouvement de Libération du Congo
(MLC), actuellement emprisonné par la Cour pénale internationale (CPI) à La
Haye. « Au plus tard, nous serons fixés en mars 2015 » explique ce
proche de Bemba, qui verrait bien son patron libéré courant 2015… soit un an
avant la présidentielle prévue fin 2016. « C’est une évidence que
Jean-Pierre Bemba reviendra, nous confie Fidèle Babala, le procès est
maintenant terminé et je n’ai aucun doute sur son issu, le dossier est
complètement vide ».
La responsabilité de Jean-Pierre Bemba reste à établir
Jean-Pierre avait été arrêté en
2008, poursuivi par la justice internationale pour crimes contre l’humanité et
crimes de guerre pour des exactions qu’auraient commis ces hommes en
Centrafrique entre 2002 et 2003. A cet époque, le chef du MLC, avait envoyé des
troupes pour soutenir le président centrafricain Ange-Félix Patassé, attaqué
par la rébellion de François Bozizé. Si la participation des hommes du MLC aux
combats en Centrafrique est désormais établie, la responsabilité de Jean-Pierre
Bemba fait débat. Le patron du MLC n’était pas en Centrafrique à l’époque. Pour
Fidèle Babala, « Bemba était le chef du MLC au Congo et non en
Centrafrique ». Les proches de Bemba ont toujours dénoncé un « procès
politique », visant à écarter un challenger gênant pour le président
Joseph Kabila. Dans ce dossier centrafricain, Bemba a été le seul à être
inquiété. Le président centrafricain de l’époque, Ange-Félix Patassé,
aujourd’hui décédé, n’avait d’ailleurs jamais été convoqué par la justice
internationale.
Une longue absence
Misant sur une libération de
Jean-Pierre Bemba avant les élections générales de 2016, le MLC tente de se
mettre en ordre de bataille pour préparer un retour réussi de son poulain,
possible candidat à la prochaine présidentielle. La tâche est lourde. En 16 ans
d’existence, le MLC a été privé de son leader pendant 8 ans. Pendant cette
longue absence, plusieurs cadres ont quitté le navire et se sont rapprochés de
la majorité présidentielle, comme Olivier Kamitatu, aujourd’hui ministre ou
François Muamba, actuellement coordonnateur du Mécanisme national de suivi de
l’accord d’Addis-Abeba. Dernier départ en date : le numéro 2 du parti, Thomas
Luhaka, qui rejoint le gouvernement de cohésion nationale, souhaité par le
président Joseph Kabila. Fidèle Babala n’a pas de mots assez durs pour dénoncer
cette « trahison ». « C'est juste du débauchage, le MLC n’a
jamais signé un accord de gouvernement. Thomas Luhaka a fait croire à Kabila
qu’il amenait avec lui le MLC, c’est bien entendu faux. Selon nos statuts,
Thomas Luhaka ne fait plus parti de notre mouvement. C’est une démission
tacite. Le débat est clos ».
« Aller aux élections »
Mais attention, le calendrier
électoral, toujours très « fluctuant » en RDC, pourrait ne pas être
tenu. Comme d’autres partis d’opposition, le MLC de Fidèle Babala craint que
l’opération de recensement générale de la population, lancée dernièrement par
Joseph Kabila, ne soit qu’un « échappatoire pour faire glisser le
calendrier » et se maintenir au pouvoir au-delà de 2016. « Le
recensement de la population ne doit pas être lié avec les élections »
explique Babala. « Tous les habitants ne votent pas. Ce qui est important
c’est l’enrôlement et la bonne tenue des listes électorales. Le problème c’est
que l’audit du fichier n’a pas encore été réalisé ». La priorité pour le
MLC, c’est donc « d’aller aux élections ».
Tshisekedi, Kamerhe… et les autres
Dans l’hypothèse (très optimiste)
d’un scrutin présidentiel en 2016, quelle sera la stratégie du MLC ? Dans le
camp de l’opposition, les candidats sont nombreux face à Jean-Pierre Bemba, qui
avait échoué au second tour de la présidentielle de 2006 face à Joseph Kabila.
A la différence de 2006, en 2016 le scrutin ne sera plus qu’à un seul tour… les
places pour représentant l’opposition face à Joseph Kabila ou à un de ses
poulains seront donc très chères. L’UDPS d’Etienne Tshisekedi présentera sans
aucun doute un candidat. Le fils du «sphinx de Limete », Félix, est pour
le moment le mieux placé, si son père, vieux et malade, renonce à se présenter.
L’ancien directeur de campagne de Joseph Kabila, Vital Kamerhe, passé dans
l’opposition depuis 2009 sera également en lice avec son parti l’UNC. D’autres
opposants tenteront sous doute leur chance, comme Martin Fayulu ou Samy
Badibanga (et bien d’autres), mais un nouveau personnage pourrait changer la
donne : Moïse Katumbi, le très riche et célèbre gouverneur du Katanga.
« La stratégie de Kamerhe n’est pas la bonne »
Pour le MLC, la stratégie avancée
par Fidèle Babala pourrait être de présenter un « ticket » pour la
présidentielle. Jean-Pierre Bemba s’afficherait avec une autre personnalité de
l’opposition, qui à terme, pourrait devenir son Premier ministre. Vital Kamerhe,
ne recueille visiblement pas les suffrages de Fidèle Babala. Il critique
notamment la stratégie des « manifestations à répétition » lancées
par Kamerhe et l’UDPS. « On fatigue tout le monde avec ces manifestations.
Il faut attendre que Joseph Kabila change la Constitution pour descendre dans
la rue. Avant, cela ne sert à rien. Kamerhe a perdu beaucoup de crédibilité.
Tout le monde ne le suit pas. La stratégie de Kamerhe n’est pas la bonne ».
Bemba veut faire un « ticket »… avec qui ?
Pour savoir qui pourrait faire
équipe avec le Sénateur Bemba, il faut demander à Fidèle Babala ce qu’il pense
du discours de Moïse Katumbi, lors de son retour à Lubumbashi le 23 décembre
2014. Le très populaire gouverneur Katanga avait alors utilisé une métaphore
sportive pour mettre en garde le président Kabila contre sa volonté de se
maintenir au pouvoir. Le discours avait jeté le trouble dans la majorité
présidentielle, dont est censé faire partie Katumbi. Fidèle Babala salue un
discours « courageux et légitime ». Katumbi est-il désormais dans
l’opposition ? « Il est le bienvenu » affirme Babala qui note qu’il
faut « une conjonction de force pour gagner les élections ». Un
Bemba, venant de l’Equateur et faisant le plein des voix à Kinshasa et un
Katumbi, très populaire au Katanga, pourrait donc former le ticket idéal.
Jean-Claude Muyambo, président du Scode, qui a récemment quitté la majorité
présidentielle avec fracas, recueille également les faveurs de Fidèle Babala.
Electrochoc ?
Le MLC redessine donc sa stratégie
de conquête avec l’espoir de voir Jean-Pierre Bemba libre avant 2016. Mais une
question reste encore en suspend : quel poids politique représente encore
Jean-Pierre Bemba au Congo, après 8 années d’emprisonnement ? Fidèle Babala
croit au retour gagnant du « chairman ». « Le retour de Bemba à
Kinshasa sera un choc. Un choc qui pourrait donner le signal du départ de
Kabila ». Sa popularité ne s’est-elle pas émoussée ? « Non, tonne
Babala, il est encore très populaire, il remplira un stade dès son arrivée à
Kinshasa ». Mais pour l’instant, le moment du retour triomphal est encore
loin. La Cour pénale internationale pourrait encore faire traîner la procédure
et Fidèle Babala, en liberté provisoire à la suite d’une accusation de
subornation de témoins, n’en a pas fini avec la justice internationale. Il
n’empêche qu’un retour de Jean-Pierre Bemba à Kinshasa constituerait sans doute
un vrai électrochoc dans la classe politique congolaise. Les cartes seraient
alors rebattues dans l’opposition, mais aussi dans les partis satellites
proches de la majorité, ou le retour de Bemba pourrait constituer une bonne
occasion de changer de camp.
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